Voici quelques textes courts qui résument bien ce qu'est un prêtre diocésain et ses 3 missions essentielles. Le pemier extrait provient de mavocation.org

Les prêtres diocésains : donner le Christ aux hommes La vocation du sacerdoce est de se donner tout entier au Christ pour conduire les hommes vers Dieu. Le Père Bernard Maës nous donne dans ce texte quelques repères fondamentaux sur ce qu’est la vocation des prêtres diocésains. Mgr Nicolas Brouwet, Evêque auxiliaire de Nanterre, apporte son témoignage personnel au cours d’une interview dont nous donnons ici un extrait.

Les prêtres n'ont qu'une vocation mais trois missions essentielles :

•La première est d'annoncer la Parole de Dieu, afin qu'elle éclaire et transforme la vie de leurs contemporains.
Ils remplissent cette tâche par la prédication, la catéchèse, l'accueil des personnes, le dialogue et le témoignage de leur vie au quotidien.
•La deuxième est de donner les sacrements, au nom du Christ : eucharistie, baptême, réconciliation, onction des malades et mariage.
•Enfin, la troisième est de rassembler la communauté des chrétiens dans l'unité et guider le peuple de Dieu pour qu'il soit, au milieu du monde, le signe visible de la présence de Dieu.
Concrètement
Les prêtres diocésains donnent leur vie pour un diocèse – c'est-à-dire une communauté chrétienne gouvernée par un évêque. C'est leur vocation : servir la foi dans cet endroit particulier. C'est l'évêque qui confie aux prêtres ses missions, après un entretien personnel. Chaque prêtre déploie ensuite son ministère – c'est-à-dire son service – selon ses talents et ses initiatives, dans un esprit d'obéissance et de travail collectif. Outre la liturgie et les sacrements, au quotidien dans leur paroisse, les prêtres accomplissent ainsi de multiples services : aumônerie de jeunes ou d'hôpital, accompagnateur d'un groupe scout, enseignant, responsable de telle ou telle activité…

On peut avoir l'impression que les prêtres d'aujourd'hui sont débordés d'activités. En fait, ils cherchent à avoir une vie saine (prière, repos, sport, culture) tout en vivant leur amour de l'Église à travers les célébrations, rencontres, réunions…
Leur fatigue est remplie de joie !

Tous les prêtres ne sont pas diocésains : certains sont appelés au sacerdoce au sein d'une congrégation religieuse. Prêtres religieux ou diocésains, l'Église ne peut vivre sans hommes qui se décident au sacerdoce.
Leur célibat signifie le don total d'eux-mêmes au Christ et les rend disponibles sans partage à la vie de l'Église.

Le deuxième extrait choisi concernant le prêtre diocésain provient quant à lui de:www.bernard-mahe.fr

Le prêtre diocésain : célibat, engagement à long terme
Le prêtre diocésain, de son côté, est trop souvent exposé à toutes les demandes, d’où qu’elles viennent. Et il est seul pour y répondre. En outre, en France, les prêtres n’ont pas de statut social reconnu. On les admire pour leur générosité, mais beaucoup de gens pensent qu’ils gâchent leur vie.

Comment en est-on arrivé là ? La situation était très différente au début du siècle, au bon temps de l’anticléricalisme primaire. L’instituteur, qui avait une culture solide, se retrouvait face à un prêtre, lui aussi cultivé. Et ce dernier devait avoir une certaine trempe pour exister devant les anticléricaux. Aujourd’hui, le prêtre a un statut social humilié dans la société française. Aux yeux de l’homme de la rue, une vie livrée à la continence totale est perçue comme insensée et inhumaine. Et cette opinion commune pèse sur ceux qui auraient envisagé la vocation sacerdotale.

Enfin, les jeunes sont fortement marqués par l’esprit de notre temps, qui comprend de moins en moins les engagements à long terme, qu’il s’agisse du mariage ou du sacerdoce. Comment, se dit-on, être fidèle pendant trente, quarante ou cinquante ans à des promesses faites dans l’ardeur de la jeunesse alors que les événements de l’existence vous font évoluer et changer ?

Henri Madelin, Sous le soleil de Dieu, p. 60

Le troisième extrait choisi vient de:
www.diocese.poiltier.cpm.fr

Réflexions sur la vie de prêtre diocésain
Lors de leurs rencontres, les Doyens avaient demandé des instruments brefs pour soutenir la réflexion entre prêtres. Aujourd’hui on se pose à nouveau des questions sur la vie et le ministère des prêtres diocésains. J’ose proposer neuf petites réflexions sur le ministère presbytéral. Tout n’est pas dit, loin de là ! Il s’agit simplement de relancer, dans le diocèse, une réflexion spirituelle et pratique sur la charge spécifique des prêtres dans l’Eglise.


1- Comment poser la question du ministère des prêtres aujourd'hui ?
A bien regarder, ce n’est pas d’abord la question du prêtre qui est posée, mais celle du nombre. Les médias s’intéressent peu au contenu du ministère, mais beaucoup à la diminution des ordinations. Or le nombre introduit une approche quantitative ; il concerne la répartition des postes, le quadrillage territorial, la charge des actes du culte. Il reste dans les structures établies. Mais il ne dit rien sur la nature du presbytérat. L’approche quantitative est donc trop courte. Elle est mauvaise.

1. Les responsabilités traditionnelles de l’Eglise sont la communion, le témoignage apostolique et le service des hommes. Elles conduisent à voir dans le sacrement de l’Ordre le service de la communion dans le Peuple de Dieu (gouverner), l’annonce directe ou patiente de la Parole (enseigner) et l’acte pastoral qui aide les fidèles à devenir conformes au Christ (sanctifier). Ce sacrement exprime combien l’Eglise ne se fait pas toute seule, mais puise son existence dans le Christ, son fondement (1 Co 3, 11) et sa Tête (Ep 2, 22).

2. Les composantes du sacrement restent fermes. La manière de les vivre, les accentuations ont varié selon les époques et les lieux. En gardant la fidélité à l’Evangile, la tradition constante de l’Eglise a tenu à lire les signes des temps pour décrire la figure du ministère apostolique. Il convient toujours de se demander quel style de prêtre est nécessaire pour une époque considérée dans son ensemble.

3. L’appel au ministère, la vocation, ne répond pas d’abord à un désir personnel (le baptême aussi comporte un appel à la générosité). Elle doit correspondre aux exigences d’inscrire le service du Corps du Christ dans une époque. Cette mission marque obligatoirement les accentuations nécessaires pour un temps. Quels seraient donc les aspects décisifs de notre époque ?

4. Premier aspect : le déisme traditionnel chez nous s’estompe. Les gens se repositionnent autrement dans le domaine religieux. Le déclin du déisme laisse place à toutes les expressions religieuses, même les plus aberrantes. Surtout il permet en même temps le regain d’intérêt pour la foi (voir le nombre croissant de catéchumènes) et l’augmentation de l’indifférence religieuse et de l’incroyance.

Second aspect : notre société se veut résolument individualiste. Chacun choisit ce qui lui plaît. Comme les cadres économiques et réglementaires sont de plus en plus stricts, il ne reste à l’individu que l’affectivité pour exprimer son unicité. La religion tend vers le sensible, le sentiment, pas toujours christianisé en profondeur. Mais l’individu est une mutilation de l’homme. Celui-ci est une personne ; elle ne trouve son accomplissement qu’en se reconnaissant membre d’une humanité qui la précède et la déborde. C’est le corps social qui fait aujourd’hui question. C’est pourquoi vivre la communion de l’Eglise, se reconnaître “membres les uns des autres” (Rm 12, 5), ne pas ramener l’unité à soi, sont les points les plus controversés. C’est pourtant dans l’aptitude à faire corps en Christ que se manifeste la foi adulte (Ep 4, 13-16). Ainsi nul n’est prêtre pour soi.

Troisièmement : le prêtre n’est plus le seul à posséder le savoir. De plus en plus de laïcs acquièrent une formation sérieuse et exercent les responsabilités normales du confirmé. On ne peut jouer l’Ordre contre le baptême par des luttes d’influence ou une concurrence de pouvoir. Si formés et responsables que soient les baptisés, il reste à les rassembler “au nom du Christ” (Mt 18, 20) en un seul Corps uni par la charité eucharistique.

Le diaconat permanent, lui, rappelle à toute l’Eglise qu’elle se doit de servir le dessein de Dieu sur le monde, en servant la dignité de tous, à commencer par les plus petits, en aidant à la récapitulation de tout dans le Christ (Ep 1, 10).

Quatrièmement : une société individualiste est nécessairement conservatrice afin de fournir à la vie privée toute la tranquillité dont elle a besoin pour faire ce qui lui plaît. L’espoir privé, individuel, de réussite égocentrique et immédiate tend à remplacer l’espérance évangélique de justice (1 Jn 4, 20) et de fraternité.

Ces raisons principales amènent à se demander ce que notre époque attend du ministère des prêtres. Car ce qu’on attend du prêtre dit aussi ce qu’on attend de Dieu. C’est ainsi que se pose aujourd'hui, à frais nouveaux, la question du prêtre.

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2- Le sacrement de l'ordre et les différents ministères

Périodiquement, la question de la spiritualité du prêtre diocésain revient à l’ordre du jour. Primitivement, elle ne se posait pas. Mais progressivement se sont développés dans l’Eglise des écoles et des courants spirituels à partir des ordres religieux comprenant des prêtres, soit exclusivement, soit à la tête de ces fraternités et sociétés. Par comparaison, le clergé séculier est apparu comme moins facilement identifiable que les prêtres vivant sous une règle nettement définie et reconnue. Ou plutôt, il se définissait par ses tâches, par le ministère reçu.

Cette approche par le ministère possède l’avantage de s’appuyer sur des gestes socialement reconnus : baptiser, catéchiser, marier, enterrer... Le prêtre diocésain pouvait s’identifier aux actes nécessaires à la vie chrétienne de la communauté à laquelle il était envoyé. Mais cette approche connaît trois limites :

1) Elle part du ministère confié, mais ne va pas jusqu’à préciser le cœur du sacrement qui ordonne un prêtre. La meilleure preuve en est qu’au cours de sa vie, un prêtre peut recevoir des missions très différentes. Les ministères changent, l’identité reçue par l’ordination demeure plus fondamentale : on ne peut donc la définir à partir de ces seules tâches.

2) Elle s’appuie sur un découpage administratif, les paroisses, qui fournissent le statut juridique du “curé”. Or la “charge d’âmes” déborde, et de loin, la seule communauté établie, puisque le prêtre partage le “sacerdoce apostolique” des évêques (Prière de l’ordination). Donc le sacrement l’oriente personnellement vers la mission au-delà de la communauté. Le prêtre est prêtre envoyé auprès des non-chrétiens. Le fait majoritaire d’une population tenue pour chrétienne a conduit à cet amenuisement de l’élan apostolique. Il s’est mué en perfectionnement moral (faire de baptisés de bons chrétiens).

3) Elle a connu, historiquement, des formes variées : le “mis à part pour l’Evangile” de l’apôtre Paul (Rm 1, 1), donc la figure du missionnaire itinérant ; le collège des anciens (St Pierre se dit “co-ancien” : 1 Pi 5, 1) établis en chaque ville (Ac 14, 23 ; Tt 1, 5) ; le pasteur du troupeau ; le prédicateur de la Parole ; et, à partir du milieu du XVIe siècle, le prêtre mis à part pour appartenir à un ordre reconnu par la société pour un office juridiquement établi.

Aujourd’hui les figures et les rôles sont devenus flous. Notre société s’interroge sur le rôle du père de famille. Il est inévitable que le prêtre soit interrogé sur ce qu’il est. Il ne suffit plus de répondre par une proposition spirituelle qui baignerait des actions répertoriées. La question est proprement théologique.

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3- Partir de l'intérieur

Il est bien connu que le prêtre, tel qu’en parle le Nouveau Testament, vient en rupture avec le sacerdoce héréditaire chargé des sacrifices au temple de Jérusalem. L’épître aux Hébreux souligne que, né de la tribu de Juda, Jésus ne possède pas le sacerdoce lévitique mais un autre, “celui de Melchisédech” (7, 14-17) “assimilé au Fils de Dieu, prêtre à jamais” (7, 3). Le Christ “abolit le premier régime pour instituer le second” (10, 9). Jésus n’est pas prêtre ainsi (8, 4).

Si la rupture est nette, elle maintient cependant une continuité de structure. Dans l’Ancien Testament, la tribu sacerdotale se comprend au sein des douze tribus, donc parmi un peuple de frères. Dans le Nouveau, c’est à partir du Peuple de Dieu que le presbytérat est envisagé. Il est considéré au sein de l’union du Christ et de l’Eglise.

Le peuple de Dieu est tout entier royal et sacerdotal : l’onction baptismale le rappelle. Le “sacerdoce saint” lui permet “d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ” (1 Pi 2, 5). Saint Paul écrit la même chose aux Romains (12, 1). Ces hommes unis au Christ doivent être constitués en un Peuple qui est tout autre chose qu’une masse d’êtres juxtaposés. Il s’agit de faire Corps. On ne fait pas corps de l’extérieur, à la manière d’un pouvoir imposé. C’est par l’intérieur, par une même vie qui circule entre les divers membres, que grandit un corps :

- Saint Pierre, le “co-ancien”, demande que l’autorité des anciens ne pèse pas, mais qu’ils deviennent la forme, le modèle, du troupeau, par l’intérieur du troupeau et par l’intérieur du ministre (5, 3). Il s’agit ici de la “forme” qui construit un être par l’intérieur (Ph 2, 6-7) et le structure.

- L’épître aux Ephésiens (4, 12-16) parle de bâtir le corps du Christ, de le développer pour qu’il parvienne à la taille adaptée à la plénitude du Christ qui remplit son Eglise (1, 23). Cette croissance harmonieuse appelle, à l’intérieur de son mouvement, des “ligaments”, donc des éléments particuliers dont le service n’est pas de commander mais de faire un lien, dans la souplesse.

- La même idée se retrouve en Colossiens 2, 19 : il s’agit de relier à la tête pour apporter nourriture et cohésion par un influx vital. Le corps grandit par ses liens.

L’image du corps est très parlante : il ne grandit et ne se nourrit que par l’intérieur, par des échanges, par des relations, des communications. Sans cela, il se rigidifie ou s’émiette. La cohésion naît d’un ajustement des membres les uns aux autres. Elle est suscitée par le Christ présent “au milieu de deux ou trois réunis en son nom” (Mt 18, 20). Le prêtre a charge de rendre présent le Nom du Christ, source et tête de la communion. Il le fait par la grâce du sacrement, car nul ne s’empare de ce nom ; il le reçoit (He 5,4).

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4- Membre d'un presbytérium

Cérémonie d’ordination de prêtres : les diacres sont présentés à l’évêque par d’autres prêtres. Le peuple chrétien, consulté, donne son avis. En définitive, c’est un prêtre, supérieur du séminaire ou vicaire épiscopal, qui demande, au nom de l’Eglise, qu’ils soient ordonnés prêtres. C’est dire la responsabilité directe des autres prêtres qui présentent à l’ordination. Ce n’est pas le candidat qui parle ici, mais les représentants des prêtres au cœur de l’Eglise. Lui, dira un peu plus tard qu’il accepte une ordination qu’il a certes demandée mais qui doit passer par la voix d’autres prêtres.

Puis l’évêque impose les mains. Il fait de ce diacre son collaborateur “à la manière des apôtres”. Il l’inscrit, par l’imposition des mains, dans la lignée apostolique, au sens où le collège des Douze a établi des “anciens” collectivement responsables d’une communauté (Ac 14, 23). Il n’y a pas de prêtre “en soi”, pas plus qu’il n’existe d’ordination déracinée. Le sacrement rend d’abord membre d’un corps, le presbytérium, en introduisant dans la communion de ceux qui servent l’unité du Corps du Christ. C’est pourquoi les autres prêtres imposent aussi les mains. Ils enracinent un prêtre dans leur fraternité qui, ensuite, concélèbre l’eucharistie. Le premier geste du nouvel ordonné consiste à échanger la paix avec les autres prêtres. Ce témoignage de communion avec tous ceux qui ont reçu le sacrement de l’ordre (diacres, prêtres, évêque), rappelle aux chrétiens leurs responsabilité de vivre cette communion entre eux.

L’appartenance à un presbytérium fonde la spiritualité du prêtre diocésain. Un homme est prêtre pour une Eglise particulière. Celle-ci comprend un peuple précis, avec ses peines et ses espoirs, avec ses croyants et sa part d’incroyance. Elle possède une histoire singulière, celle de l’alliance de Dieu avec cette humanité, au long des siècles, avec ses saints, avec ceux et celles qui ont façonné sa mémoire. Le presbytérium garde ses caractéristiques.

Ces faits indiquent qu’une Eglise est appelée à subvenir à ses besoins en ministres ordonnés. Le prêtre diocésain n’est pas normalement appelé à errer de diocèse en diocèse. S’il doit y avoir un changement, il s’effectue par accord entre églises. Faire venir des prêtres d’ailleurs, sauf grave exception, laisse entendre qu’une église est devenue impuissante à susciter des vocations.

La communion du presbytérium est plus riche que la seule unité. L’unité peut découler d’une pression externe. La communion est œuvre de réciprocité. Dans la relation au Christ, chacun donne et reçoit des autres prêtres pour le service d’un même peuple. Il faut d’ailleurs dépasser les seuls besoins d’un moment pour revenir sans cesse aux motifs qui poussent le Christ à envoyer ses disciples. Cette communion se manifeste spécialement par la concélébration. Les prêtres différents qui concélèbrent une même eucharistie signifient visiblement l’unicité de l’offrande du Christ. Ce geste montre aussi qu’il n’y a qu’un seul prêtre : le Christ.

Signifier la présence de la Tête d’où le corps tire sa cohésion, donc servir cette unité, telle est la première dimension du sacrement de l’Ordre. Saint Paul considère que sa mission apostolique, tout en le conduisant à annoncer l’Evangile aux païens, l’oblige également à tisser une communion entre les communautés qu’il fonde. Son “obsession quotidienne est le souci de toutes les églises” (2 Co 11,28). Il attend des responsables, au sein de chaque église, qu’ils travaillent à faire naître les mêmes sentiments entre frères. La communion donne un témoignage apostolique.

L’unité est un mot dangereux ! Elle ne dit pas, d’elle-même, quel pouvoir la soude. Elle risque sans cesse d’être invoquée pour établir une uniformité. L’unanimité n’a de sens que si elle résulte d’une harmonie de sons différents, d’une symphonie. La véritable conception de l’unité l’établit sur la réciprocité. Ainsi, chacun, avec ses charismes propres, concourt au bien de l’ensemble. La communion se tisse dans les différences. La tunique sans couture n’est pas forcément monocolore. La somme de cette réciprocité se tient dans l’Esprit qui unit des personnes différentes et les distingue dans la charité.

Travailler pour la communion demande une double attention. D’un côté, il s’agit de conforter chaque membre de la communauté pour que, ayant conscience des dons qu’il reçoit, il serve le corps entier. Et, de l’autre côté, ce travail veille à ce que le corps façonne des membres solides, forts et souples. Il s’exerce ainsi une réciprocité entre le corps entier et chaque membre reconnu dans sa singularité. Ce va-et-vient entre une communauté et chaque membre appelle de nécessaires régulations (par exemple le CPS) pour vérifier qu’il s’agit bien de dons de l’Esprit et non de la fantaisie individuelle.

Cette conception de l’Eglise demande à ne jamais considérer le ministère presbytéral comme une profession isolée, libérale. Une confusion peu consciente entre le droit et la vie théologale favorise ce déclin. Autant on comprend l’utilité pour une paroisse d’avoir une personnalité morale juridique, autant il faut veiller à ne pas réduire une communauté chrétienne à la seule protestation d’un droit. Ce serait réduire la spiritualité et la théologie à la seule considération d’un droit établi pour servir la communion et non pour la morceler. Part du peuple de Dieu, tout découpage pastoral ne prend sens que dans la vie de communion de tout ce peuple. Envoyés à des communautés, les prêtres ont charge de les conduire dans une communion plus large.

Serviteur de la communion, le prêtre évite les replis d’un groupe sur lui-même. L’identité ne naît pas de l’isolement (comme Babel), mais d’une reconnaissance mutuelle. C’est pour cette communion que le Christ a livré sa vie (Jn 11, 52), afin de l’enraciner dans la vie trinitaire. Car l’Eglise vit de la réciprocité qui relie les Personnes de la Trinité : sa manière de vivre porte témoignage au Dieu en qui elle croit.

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5- "Parvenir à la taille adulte" (Eph 4, 13)

Le Nouveau Testament garde deux traditions différentes, sans trop chercher à les relier. Matthieu demande de n’appeler personne “père” ou “maître”, “car vous êtes tous frères” (23, 8) et Paul, opposé aux pratiques des missionnaires itinérants de toute obédience, reproche aux Corinthiens : “vous supportez de vous faire asservir” (2 Co 11, 20). Suivant l’autre piste, le même Paul se considère comme le père des communautés qu’il a fondées (1 Co 4, 15). Il éprouve pour elles des sentiments d’une mère (Ga 4, 15).

La contradiction est moindre qu’il n’y paraît : Paul cherche la liberté des nouveaux chrétiens. Ses adversaires veulent se les attacher. L’attachement est le contraire d’un amour paternel (Ga 4, 17). La gloire d’un père est de susciter des fils adultes. Le chrétien est appelé à la liberté : “L’homme libre donne tout le sens de l’homme” affirme l’ACO.

Le prêtre est donc chargé de permettre aux baptisés de parvenir à leur pleine stature, en prenant les responsabilités qui leur reviennent. Son rôle précis qui est celui de l’Apôtre, conduit à éduquer cette liberté pour qu’elle ne décline pas en égocentrisme, mais qu’elle fasse “par charité des serviteurs les uns des autres” (Ga 4,13). La charge pastorale ne conduit pas le prêtre à tout faire, ni même à tout centrer sur lui. Le centre d’une communauté, c’est le Christ qui a dit à ses disciples cette phrase étonnante : “Celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais, il en fera même de plus grandes” (Jn 14, 12). Il parle là de tout croyant.

C’est dire que la force qui enfante des disciples adultes, c’est la confiance. Le prêtre fait confiance à ceux qu’il aide à grandir dans la foi. Il fait confiance à l’action de l’Esprit dans les baptisés. Cette confiance discerne les chemins de la croissance. En effet, la mission des baptisés est la même que celle de l’Eglise. Elle part du Père qui envoie son Fils et répand, par lui, son Esprit sur toute chair. Cela ne signifie pas que toutes les initiatives prises par des baptisés soient équivalentes. Il revient au prêtre de préciser, en communauté, quelles initiatives favorisent au mieux la mission et la communion. Le discernement rend adulte : telle est une des fonctions du projet pastoral établi en Conseil pastoral de Secteur. Il permet ainsi de prendre des décisions justifiées.

Nul n’est prêtre pour conforter sa propre identité psychique. Ou plutôt cette identité naît du don de soi que chacun est appelé à vivre à la suite du Christ. Comme le Baptiste “il diminue pour que l’autre grandisse” (Jn 3, 30). C’est ainsi que le pasteur accomplit sa mission, en livrant sa vie (Jn 10,11), non pas en écrasant les autres par des services qu’il rend seul, mais en leur permettant de devenir “membres les uns des autres” (Rm 12, 5), capables d’offrir, eux aussi, leur vie pour l’Evangile.

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6- Prêtre et apôtre

Nous ne nous étonnons pas assez du fait que les prêtres du Nouveau Testament sont d’abord des apôtres. Dans l’Ancien Testament, le sacerdoce est attaché à un lieu sacrificiel avant de converger vers l’unique Temple où Dieu fait résider sa gloire. Avec le Ressuscité, la “résidence” de Dieu s’étend au monde entier et, par conséquent, à chaque personne : “Le Temple de Dieu, c’est vous” (1 Co 3, 17). La Jérusalem céleste n’a pas de Temple (Ap 21, 22). Dieu et l’Agneau habitent au milieu des leurs, venus de tout pays, langue et culture. Les apôtres installent les communautés locales, mais ce qui est premier, c’est bien leur envoi par le Fils, l’Envoyé du Père (Jn 17, 18).

Lentement, le prêtre s’est peu à peu assimilé à des rôles sédentaires : paroisses, aumôneries... Le curé, depuis le Concile de Trente, est obligé à résidence. Certains lieux rayonnaient d’ouverture par la qualité de leur attrait. L’accentuation missionnaire prenait alors la forme d’un envoi vers l’extérieur. Il est remarquable que les réformes du clergé ont principalement dépendu de la création de congrégations itinérantes, des Frères Prêcheurs (Dominicains) aux Prêtres de la Mission (Lazaristes). L’image fidèle du sacrement de l’Ordre appelle un retour vers son origine apostolique. Aujourd’hui encore, dans la situation missionnaire où nous sommes, la relance de vocations et la figure actuelle du ministère demandent de se laisser saisir par l’ardeur apostolique.

Une telle nécessité est inscrite dans l’ordination. Elle rend conforme à l’Envoyé : on ne saurait oublier ce fondement. C’est donc rappeler que le prêtre reste celui qu’une communauté ne peut pas façonner à son image. Il est le symbole de l’Autre. Symbole (au sens de sacrement) du Christ Tête de l’Eglise et symbole de tous les autres qui ne sont pas encore membres de la communauté (au sens où l’Eglise est comme le sacrement de l’humanité réconciliée).

Non seulement le prêtre empêche ses communautés de “boucler” sur elles-mêmes, mais il a charge de les envoyer comme lui-même est envoyé. Il est mis à part, mais pour l’évangile. La contrefaçon consiste à travailler “en miroir” : en attirant à soi ceux qui partagent des sentiments identiques, ce qui réconforte peut-être, mais ne suit plus cet Apôtre qui “s’est fait tout à tous” (1 Co 9, 22). Le prêtre indique donc la vocation catholique de toute communauté, ouverte et proche de l’essentiel de tout homme.

La diminution du nombre de prêtres risque de les replier sur les seules tâches à la disposition de pratiquants qui n’attendraient que cela. Ce serait un rétrécissement. Au contraire, la situation présente exige que, dans ses communautés, le prêtre relance et soutienne l’ardeur apostolique des chrétiens. A la suite du Christ, il est bouleversé par tous ceux qui errent loin de la lumière. Il est ordonné pour eux. Il leur est envoyé et donné. Ainsi, par son témoignage de vie, il signifie que chaque communauté est livrée au monde et qu’un baptisé est appelé à servir la mission.

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7- Presbytérat et sacerdoce

Pour la première fois dans le diocèse, une communauté locale enterrait son prêtre. Des hommes portaient le cercueil. Quand ils arrivèrent devant l’autel, le Délégué pastoral leur a rappelé ce très vieux geste : le corps devait être placé les pieds tournés vers la sortie, car toute la vie d’un prêtre est tournée vers l’annonce de l’Evangile. Celui qui rassemble autour de l’autel est aussi celui qui envoie. La pastorale ordinaire garde une dimension missionnaire.

Ce simple geste permet de mieux poser les termes d’un de ces débats interminables où notre esprit cartésien puise des oppositions qu’il affectionne : faut-il parler de sacerdoce ou de presbytérat ? Comme souvent, il s’agit là de simplifications parfois caricaturales. Ainsi le presbytérat désignerait le prêtre envoyé et apôtre, distingué du sacerdoce commun des fidèles (1 Pi 2, 5) ; et le sacerdoce l’homme du culte - ce qui peut aller jusqu’à négliger le sacerdoce baptismal remis en honneur par le Concile Vatican II. Logiquement, c’est la relation aux laïcs et la place qui leur est accordée qui viendrait dirimer ce débat. Le prêtre est-il un chef ou un serviteur ? Là dessus se greffent des options plus psychologiques que théologiques.

Il faut revenir à une phrase de l’épître aux Hébreux : “Le Dieu de la paix a ramené d’entre les morts Celui qui, par le sang d’une alliance éternelle est devenu le grand berger des brebis, notre Seigneur Jésus” (3, 20). Au lieu d’opposer, cette phrase unit l’offrande du Christ et sa mission de pasteur. Effectivement, le Christ a offert le sacrifice de sa vie. Son amour l’a poussé à se donner pour la multitude : chaque eucharistie rend présent cet acte unique qui n’est pas répété mais rendu présent. Aujourd’hui encore Jésus-Christ donne sa vie pour le salut du monde.

Ce sacrifice est un exode, un passage vers le Père : c’est sur cette route que le Berger conduit les siens (1 Jn 2, 63). Comme Jésus l’explique, il est Pasteur en se livrant. Il est le vrai Berger parce qu’il aime au point de se donner entièrement (Jn 10). Et il exerce son sacerdoce par cette route qu’il est (Jn 14, 6). Ainsi, il unit les grandes figures du roi-pasteur, du prêtre du Temple nouveau en son Corps (Jn 2, 21) et du prophète qui répand l’Esprit sur toute chair.

Il en découle que, à la suite du Christ, le prêtre doit unir aussi les deux aspects. Il anime sa communauté et célèbre avec elle l’offrande du Christ, mais, ce faisant, il l’envoie et la rend adulte. En relançant son ardeur évangélique, il l’amène aussi à “offrir son corps en offrande vivante, sainte, agréable à Dieu” (Rm 112, 1), ce qui est la définition même du sacerdoce baptismal. Par là, le prêtre est fondamentalement serviteur. Il n’a d’autre pouvoir que celui de l’amitié : celle du Baptiste pour l’Epoux (Jn 3, 29), celle du Christ pour les siens (Jn 15, 15). L’ami se donne à son tour (v. 14). Le prêtre Charles de Foucauld aimait à s’appeler “le frère universel”.

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8- "Dans des vases d'argile"

Alors qu’il était critiqué et combattu auprès des Corinthiens, Paul dont l’autorité n’était pas toujours reconnue, admet sans détours que l’annonce du Christ, le service des communautés, la lumière du Christ en son cœur constituent “un trésor que nous portons dans des vases d’argile” (2 Co 4, 7), donc par des moyens fragiles et de peu de valeur.

Bien sûr, on peut effectuer une lecture moralisatrice de cette expression. Nos fautes et nos péchés, conscients ou cachés à nos yeux, suffisent à montrer nos limites. Nous restons des hommes faibles et, tout en partageant le même baptême avec d’autres chrétiens, il nous faut convenir que beaucoup d’entre eux sont plus saints que nous. La véritable échelle est celle de la sainteté. La hiérarchie (comme aiment à dire les médias) n’en est que la servante sacramentelle.

Mais on peut également effectuer de la phrase de Saint Paul une lecture théologique, plus proche, en fait, de son texte. Le ministère met à nu les fragilités et les failles de celui qui l’exerce. “Enveloppé de faiblesse” (Hé 5, 2), le ministre découvre que “si la mort fait son œuvre en nous” (2 Co 4, 12), à la suite de Paul il peut dire : “C’est quand je suis faible, que je suis fort” (2 Co 12, 10). Car ce qu’il est ne vient pas de lui et aucune assurance humaine ni aucun ornement terrestre ne cachent véritablement cette réalité.

Il y a plus : le Christ choisit des moyens faibles (1 Co 1, 27). La force du prêtre vient du Christ car “cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous” (1 Co 4, 7). Idéaliser le prêtre reste un fugitif trompe-l’œil. Par conséquent, ce qu’est le prêtre, il l’est par grâce, par appel. Humblement, il vit dans la reconnaissance de ce que le Christ a fait pour lui. Sa vie est action de grâce. Eucharistie.

Loin d’abaisser le ministère, cette vérité met en paix. Voilà ce que nous sommes, voilà ceux avec qui Dieu veut travailler. Cette faiblesse permet au prêtre de “compatir aux faiblesses des hommes” (He 4, 15). A l’ordination, nous avons fait promesse : la promesse est la parole qui lance une vie dans l’espérance. Cette parole nous laisse être portés par le Christ, le réalisateur des promesses de Dieu. En lui disant “oui”, nous plaçons notre existence dans son consentement à la volonté du Père, l’ami des hommes (2 Co 1, 20). Ainsi nous devenons fraternels, par l’intérieur de la vie, avec tout homme en ses secrètes failles. La chasteté nous attache à ceux et celles qui tentent d’aimer ou qui meurent de ne pas être aimés. La pauvreté de vie nous lie à ceux dont la vie est si pauvre qu’elle perd son prix à leurs yeux. L’obéissance ouvre nos oreilles au désir de Dieu qui appelle chacun (Jn 6, 44).

Reconnaître notre faiblesse établit en vérité dans une vie fraternelle. Et cette fraternité donne un signe du salut en œuvre. La réconciliation implique présence, simplicité, vérité entre nous.

“On sème de la faiblesse, il ressuscite de la force” (1 Co 15, 43). Car Dieu qui emploie des vases d’argiles, les rend “adaptés à tout œuvre bonne” (2 Tm 2, 21). Il opère cette transfiguration grâce à Celui qui a pris la place de Serviteur.

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9- "Collaborateurs de l'évêque"

Le rituel de l’ordination souligne à plusieurs reprises que le prêtre est le collaborateur dont l’évêque a besoin. Il ne fonde pas le presbytérat sur les seules nécessités des communautés, encore qu’elles soient évidemment présentes, mais d’abord sur les besoins du ministère épiscopal en rapport avec le caractère apostolique de l’Eglise. La mission de l’évêque consiste à annoncer l’Evangile, à instaurer la communion par la réciprocité entre les membres de l’Eglise et à soutenir les efforts en vue d’une terre plus fraternelle. La liturgie est explicite sur ces sujets.

Ce dont l’évêque a besoin ne dépend donc pas de sa seule estimation ! Le ministère épiscopal discerne les priorités avec les Conseils presbytéral et pastoral. Au sein même de son diocèse, il agit communautairement. Quand un futur prêtre lui promet obéissance, il ne s’engage donc pas seulement envers une personne abstraitement titulaire d’un diocèse. Il promet d’assumer les orientations qu’un diocèse prend en accord avec son évêque (et réciproquement). La droiture d’intention de celui qui va être ordonné conduit donc à recevoir, pour le futur ministre, un cadre de son travail déjà établi et toujours perfectible de l’intérieur. Car l’évêque représente ici le bien commun d’une Eglise locale.

Alors la première Eucharistie que célèbre le nouveau prêtre est d’abord la concélébration de la messe de son ordination. Il témoigne ainsi qu’au sein du presbytérium uni à l’évêque, il rend présente l’unique offrande du Christ qui rassemble dans l’unité tous les enfants d’un même Père. On comprend dès lors que le prêtre préside à l’Eucharistie parce qu’il préside, au nom de l’évêque, à la communion dans la communauté à laquelle il est envoyé.

C’est au nom de cette même réalité qu'il préside à la réconciliation. Tout péché divise, crée des factions et sépare. Le pardon réintroduit dans la pleine communion celui qui s’en était écarté.

Parler ici de présidence ne signifie pas qu’on reprend le sens de ce mot dans une association ! La présidence du ministère est reçue du Christ et non une députation élective. Elle indique que son origine vient du Christ même et que son mode d’exercice suit la manière du Christ. Comme le Christ est également présent dans tous les baptisés, cette présidence est bien celle de la communion de tous en un seul Corps. Le prêtre fait corps. Tel est son office. Il le remplira d’autant mieux que les membres de ce Corps seront solides et responsables. Il fait corps avec des hommes libres.

Une telle charge suppose que le prêtre s’unisse au Christ, unique Prêtre. Sa prière, en particulier par la Liturgie des heures intercède pour ceux dont il a la charge et pour l’humanité. Moïse, Samuel, Elie ont été des intercesseurs. Saint Paul aussi (1 Th 1, 2). Par cette amitié avec le Christ, le prêtre se laisse façonner pour que grandisse le Corps du Seigneur.